La lettre "W" | Lore de WulfrikTitus

Le talisman progressait. La lettre "C" avait solidifié sa place en tant que cultiste de Skollrath, et la lettre "M" l’avait lié à Mimoso, la force protectrice et bienveillante qui veillait sur lui. Mais Othal savait qu’il manquait encore quelque chose : une vision de ce qu’il pourrait devenir.

Depuis qu’il avait commencé son voyage dans l’occulte, une figure récurrente hantait ses pensées et ses rêves. Parfois indistincte, parfois presque palpable, cette silhouette massive semblait osciller entre un être humain et une créature d’un autre monde. Othal l’avait baptisée WulfrikTitus, un nom qu’il associait à la grandeur, à la maîtrise et à une fusion parfaite entre la force des ombres et l’intelligence humaine.

Mais ce rêve venait avec son lot de peurs. Dans ces mêmes visions, il voyait parfois son propre visage se déformer, se perdre dans un tourbillon d’obscurité. La question le hantait : pour devenir plus, devait-il sacrifier ce qu’il était ?

Pour forger la lettre "W", Othal savait qu’il aurait besoin d’un métal qui puisse porter à la fois la brutalité et la finesse. Il se mit à explorer Kêrtenval avec une intensité nouvelle, s’aventurant dans des recoins qu’il avait jusque-là évités.

Un soir, au sein d’un ancien entrepôt abandonné, il découvrit une étrange pièce métallique. Elle était légèrement incurvée, comme si elle avait appartenu à une machine complexe, mais sa surface portait des marques que le temps seul ne pouvait expliquer. Des rainures irrégulières, presque organiques, formaient des motifs qui semblaient vivants.

En la touchant, Othal ressentit une sensation différente des autres fois : un mélange d’excitation et de malaise. C’était comme si ce métal portait déjà une histoire, un écho des rouages et des mouvements, des frictions et des chocs de la machine.

De retour dans son atelier, Othal prépara la forge pour transformer cette pièce étrange en un fragment dédié à WulfrikTitus. Mais dès le début, il sentit que ce processus serait différent. Contrairement à la fluidité ressentie avec "M", cette fois, chaque coup de marteau était un combat.

Alors qu’il frappait le métal chauffé, des visions fugaces s’imposèrent à son esprit. Il se voyait, grand, imposant, à la tête d’un culte qui portait son nom. Mais à mesure que ces visions se précisaient, elles devenaient troublantes. Ses mains étaient couvertes d’une substance noire, ses yeux brillaient d’une lumière inhumaine, et les silhouettes qui l’entouraient semblaient plus craintives qu’admiratives.

Un coup de marteau trop fort fit éclater une partie du métal. Une étincelle jaillit et brûla sa main. Il laissa tomber l’outil, se repliant contre le mur, le souffle court.

« C’est ça, alors ? » murmura-t-il. « Devenir WulfrikTitus, c’est abandonner ce que je suis ? »

Pour la première fois, il sentit une hésitation sincère dans sa quête.

Alors qu’il tentait de reprendre son travail, les ombres dans la pièce semblèrent s’épaissir. Contrairement aux autres fois, elles ne restaient pas statiques ou passives. Une forme commença à se dessiner, haute et large, occupant tout un coin de la pièce.

Othal recula instinctivement, mais une voix rauque et lointaine retentit dans son esprit :

« Tu es trop faible. »

La silhouette avança d’un pas, bien que ses contours restassent flous, comme si elle était faite d’un brouillard noir. Othal sentit un froid glacial l’envahir.

« Qui es-tu ? » demanda-t-il, sa voix tremblante.

La forme ne répondit pas directement, mais ses contours commencèrent à changer. Elle devint plus petite, plus humaine, jusqu’à ce qu’Othal se voie lui-même. Ou plutôt, une version de lui-même, plus grande, plus sombre, avec des yeux d’un noir absolu.

« WulfrikTitus », murmura la forme, avant de se dissiper dans un souffle glacial.

Perturbé mais résolu, Othal retourna à son travail. Chaque coup de marteau était maintenant imprégné d’un mélange de peur et de détermination. Il savait qu’il ne pouvait pas se détourner de ce chemin, même si la vision de WulfrikTitus restait ambiguë, mêlant puissance et corruption.

Le métal prit finalement forme. Alors qu’il trempait le fragment dans l’eau, un sifflement aigu retentit, presque comme un cri. Lorsque le métal refroidit, Othal remarqua une texture étrange sur sa surface, comme si le matériau portait encore les traces des visions qu’il avait eues.

Cette nuit-là, Othal dormit peu. Ses rêves furent hantés par des images de grandeur et de destruction. Il se voyait diriger un culte immense, ses disciples scandant son nom dans une langue inconnue. Mais il voyait aussi des flammes, des ombres qui se retournaient contre lui, et une solitude écrasante.

Au réveil, il contempla le fragment "W" posé sur son établi. Il ressentait une fierté étrange, mais aussi un poids qu’il ne pouvait ignorer.

Les manifestations des ombres se firent plus fréquentes dans la ville. Plusieurs habitants rapportèrent avoir vu des formes étranges dans les rues, des silhouettes qui semblaient les suivre avant de disparaître. Les autorités devinrent plus agressives dans leurs rondes nocturnes, fouillant même certains bâtiments abandonnés.

Pour Othal, ces tensions étaient le reflet direct de ce qu’il venait de créer. La lettre "W" n’était pas seulement un symbole de transformation. Elle était une promesse et une menace, un fragment d’une vision qu’il n’était pas sûr de pouvoir maîtriser.